Design d'Utilité Publique
Influencia • Le 12 mai 2020
Il y a quelques semaines, au petit-déjeuner, ma fille m’a demandé de lui “tartiner du beurre sur son pandémie”. Humm… Ce COVID n’obsède décidément pas que les grands. Scientifiques, économistes, gros groupes, petites start-up, Pierre Paul & Jacques : tous sont d’accord. Il est urgent de réorienter et repenser nos modèles, notre société, nos façons de vivre et de produire ensemble. Tous rejoignent (enfin) ce que le Club de Rome préconisait il y a 50 ans : une transformation radicale de notre société face aux limites de la croissance (1972, Rapport Meadows). Le Développement Durable entre en scène. Quelques entreprises s’en sont emparé et voient d’ailleurs aujourd’hui les fruits de leur engagement. Mais beaucoup n’y sont allées qu’à la marge. Aujourd’hui, nombreuses sont celles convaincues de la nécessité de réfléchir à leur RSE, poussées par leurs parties prenantes (consommateurs, fournisseurs, salariés…) mais aussi par une urgence devenue aussi palpable que virale.
Ce COVID est un révélateur.
Le bon dans tout ça, c’est qu’il a stoppé net notre course à on ne sait plus trop quoi. Le monde entier s’est arrêté et a écouté Demain tousser, nous dire comment il allait (mal), et que ce COVID n’est pas la vraie maladie mais simplement un petit symptôme, épiphénomène du chaos qui nous attend. Ce chaos qu’on percevait comme un futur pas si grave, pas si proche, est en train de débarquer, comme le plus angoissant des épisodes de Black Mirror.
Le temps est à l’action : vive la “RSE augmentée”
Agir, cela passe bien sûr (car oui : on en est sûrs) par la RSE, le green, le responsable, l’innovation durable… Peu importe son nom, c’est à base de bon sens. Face à l’urgence (pour rappel, on n’a que 10 ans pour agir, selon l’AFD), des connexions, des mix d’intelligences hétérogènes, des collaborations doivent se mettre en place. Dire “On est plus forts à plusieurs” serait enfoncer une porte ouverte, mais tant pis : on l’enfonce parce qu’elle est ouverte sur de belles solutions pour l’avenir.
Parmi les forces à actionner, le Design porte son lot de belles promesses.
Le designer, ce créatif au service de la fonction, est un écoutant hors pair, un ciment du travail collaboratif. On le retrouve partout : designer industriel, UX, mobilier, graphique, textile, de services, d’espaces publics… Partout, sauf en RSE. Le plugger à nos problématiques durables, entouré d’expertises pertinentes, est une clef de mise en action, capable de décadrer les problèmes, de nouer les intelligences en intelligence collective, de passer à l’action rapidement sous forme test&learn avec un focus sur l’analyse du besoin réel user centric…. Cette nouvelle alchimie est ce qu’on pourrait appeler une “RSE augmentée” : on décadre et on pense à plusieurs, et surtout on agit vite (place au Design Doing !), on accélère, avec et pour les entreprises.
Les entreprise : ce sont elles les locomotives.
Aujourd’hui affaiblies, un brin désemparées, elles sont obligées de repenser leur modèle. C’est justement le moment de remettre leur pendule à l’heure (qui est grave) : réfléchir leur raison d’être, en fixer un cap et l’incarner grâce à des actions concrètes, faire évoluer leurs produits, leurs services, leur communication, leurs engagements, pour aller dans le sens de leur responsabilité sociale et environnementale, et celui de l’Histoire en général.
“J’ai l’audace de penser que, aux côtés des chercheurs, des scientifiques, des ingénieurs, des sociologues ou des entrepreneurs, les designers sont déterminants pour penser et rendre intelligibles, utiles et agréables, ces alternatives qu’il ne faut plus, à présent, tarder de proposer” confiait le designer Ramy Fischler au journal le Monde.
La crise sanitaire a été un coup de fouet
Elle a généré de belles actions initiées par des designers qui ont su réagir vite, bien, et à propos. Cette poignée toulousaine que l’on ouvre avec le coude; ces réflexions du designer visionnaire Patrick Jouin sur Concilier distance et réouverture des restaurants menées avec Alain Ducasse; ces CURA Pods, containers transformés en capsules de soins intensifs par un groupe de travail international (architectes, ingénieurs, médecins, militaires); cet appareil d’aide respiratoire (OxyGEN) fabriqué en Espagne avec un moteur d’essuie glace et produit vitesse grand V avec Seat; le masque EasyBreath de Decathlon, pimpé pour s’adapter au Covid par un médecin et une entreprise spécialisée en impression numérique… sont autant de vibrantes (et vivantes) preuves de la créativité associée à l’intelligence collective. Trois journalistes ont d’ailleurs répertorié de telles initiatives sous le #DesignResistenza.
Le brief était le COVID. Imaginez maintenant tous les autres briefs.
Ceux que l’urgence climatique & sociale nous souffle (dans les bronches) et comment la RSE augmentée (designers et expertises ciblées) pourrait les nourrir, les twister, les emmener plus loin. Accompagner la mutation des modes de travail (plasticité entre vie professionnelle et privée, besoin de reconnaissance et de sens des salariés, écarts de génération millenials VS les autres, fidélisation des talents…). Transformer les centres commerciaux en centres de lien, plus ouverts et fluides (surtout en ces temps de pandémie). Renouer avec la nature, quand plus de 2/3 de l’humanité vivra en ville en 2050; et comment la repenser comme un vrai lieu de vivre ensemble. Moins peser sur nos ressources non renouvelables; et comment mieux revaloriser les autres ? Améliorer le circuit (agro)alimentaire, la proximité consommateur/producteur, le mieux manger ? C’est quoi d’ailleurs mieux manger ? Repenser des lieux où les seniors passent leurs dernières années mieux entourés…
Designers : les briefs sont infinis, vos solutions le sont tout autant !
Passons de la promesse à l’action. En mettant nos lunettes RSE Augmentée, nous aimons réinterpréter ces promesses de grandes marques sous l’œil de la satisfaction RSE et non plus uniquement client. Faire du ciel le plus bel endroit de la terre, ce fameux 2e effet KissCool, Parce que nous le valons bien, energisons la vie tous les jours, Just do it… Ben oui, justement : let’s just do it. Designers, c’est le moment ! L’appel est lancé.
L'agence Hyssop se lance sur le créneau de la RSE
Stratégie • le 09.11.2020
Alors que les entreprises ne jurent désormais plus que par l’engagement mais doivent passer aux actes au-delà des discours, une nouvelle agence RSE voit le jour : Hyssop. La jeune structure, basée à Paris, entend accompagner les entreprises autour des sujets de responsabilité et de transformation durable sur plusieurs plans, technique et marketing/communication, avec une méthode collaborative qu’elle a mise au point. L’agence est dirigée par Dominique Royet, DG cofondatrice. Guillaume Gozé en est le président et le directeur de la stratégie, et David Garcia, le directeur de création.
Le Baromètre RSE #4 • La relance verte
Cette semaine, c’est : ENFIN ! À quelques rétrogrades ou climatosceptiques près qui continuent à faire l’autruche, la conviction d’une relance verte comme seule issue viable pour l’avenir & pour la planète se porte partout en tribunes éclairées, collectifs d’entreprises, rapports citoyens, jusqu’aux portes de l’Élysée. La reprise (et l’avenir) seront verts : les peuples l’exigent, les économistes (entre autres) le recommandent, les financiers s’y attèlent. Est-ce l’heure du grand réveil ? Le petit résumé vidéo pour les plus pressés.
Rappel. Le COVID : c’est nous.
L’origine de la pandémie serait la conséquence directe du trafic illégal de faune sauvage en Chine (pangolin & viande de brousse notamment). Le tout propagé par la mondialisation et les transports (un virus ne se transporte pas : c’est nous qui le faisons). Mais également accéléré par la déforestation, l’exploitation des sols et des animaux. Ajoutez le réchauffement climatique (d’origine humaine) qui pourrait libérer des virus certains inconnus, congelés dans le permafrost. Glaçant.
Rappel. Ce chaos : c’est nous.
On ne démontre plus la responsabilité de l’homme sur le dérèglement climatique et les catastrophes planétaires. Reste à savoir : pourquoi on ne change pas ? Selon le philosophe Clive Hamilton “Nous sommes tous climatosceptiques” car l’écologie porte des messages que nous refusons : frugalité (qui s’oppose à tort au progrès auquel nous avons tous été biberonnés) et violences à venir (les nier, ça aide à mieux les vivre). D’un point de vue plus économique, l’écologie s’insère mal dans nos modèles économiques car elle lutte avec d’autres enjeux, notamment économiques. En outre, elle demande une concertation internationale difficile à mettre en place dans un contexte libéral & concurrentiel (ce long & passionnant article de YouMatter vous explique tout en détail).
On sait que l’on doit agir. Voilà pourquoi…
On reste perplexes (euphémisme)
Devant la lettre du MEDEF et de l’AFEP (qui regroupe les 113 premiers groupes actifs en France) demandant au gouvernement de différer certaines normes (réduction des émissions CO2 ou d’économie circulaire notamment).
Mais aussi devant le lobbie de l’aviation qui réclame des plans de sauvetage, dénoncés par un #SavePeopleNotPlanes. Ce collectif de 250 associations demandant l’intégration de “conditions sociales et environnementales, avec une protection adéquate des travailleurs et une transition planifiée vers une mobilité juste et favorable pour le climat ».)
Ou encore devant l’épandage & la diminution des limites de sécurité entre habitations et champs traités par épandage, source de particules fines aggravant aussi la mortalité du COVID. Les maires anti-pesticides ainsi que 9 associations ont déposé un recours.
La relance est ouVERTE.
L’économie de l’après COVID sera Green. On le demandait : maintenant on l’exige.
Nous sommes demain, ce collectif de 400 000 entreprise (récemment rejoint par le CJD) demande au gouvernement de conditionner les 20 Mds d’€ d’aide aux grandes entreprises à des engagements écologiques et sociaux concrets et l’appellent à soutenir les entreprises qui le font déjà.
Le Green New Deal, mouvement américain prônant une économie verte, soutenu par l’ONU, repris partout en Europe et dont Ursula von der Leyen a lancé la version européenne fin 2019. Jeremy Rifkin, prospectiviste, le défend fermement et prévoit l’avènement de la 3e révolution industrielle (technologique ET verte).
90 grands patrons réunis par Jean-Laurent Bonnafé (DG de BNP Paribas) appellent à “une mobilisation collective pour faire de la relance économique un accélérateur de la transition écologique.” Notons que le MEDEF et l’AFEP sont également signataires, malgré leur lettre demandant l’inverse au gouvernement (le Président de l’AFEP qui “prend le chômage partiel et garde ses dividendes” n’est pas à une incohérence près).
Aux rapports.
On citera aussi 2 rapports proposant des actions concrètes en vue d’une relance verte.
Celui du Haut Conseil pour le Climat (Climat, Santé : mieux prévenir, mieux guérir) avec 18 recommandations de fonds (décarboner, innover, investir…).
Et celui de la Convention citoyenne pour le climat, créée suite au mouvement des Gilets Jaunes. 150 citoyens tirés au sort ont été mandatés pour définir un modèle de société plus juste pour les hommes et la planète. Objectif : -40% d’émission CO2 en 2030 par rapport à 1990. La crise du Covid les a mobilisés en urgence. 50 premières mesures ont été transmises au Président pour une sortie de crise « qui prépare à un modèle économique et sociétal différent, plus humain et plus résilient ».
BREF.
Le COVID a été un révélateur : que nous sommes de petites choses, que nous faisons partie de la nature que l’on pille, que non, ça ne tourne plus rond.
“Il faut accepter des évolutions radicales pour s’y préparer. Un vrai élan générationnel existe sur lequel s’appuyer pour recommencer autrement. (…) Il faut dessiner un futur enviable pour tous.” confiait le designer belge Ramy Fischler.
On a bien l’impression que c’est ce qui est en train de se passer. En tout, c’est ce que l’on entend : reste les actes. Nous : on s’y met, en tout cas.
Bonne fin de journée, de semaine, et surtout de confinement à tous…